Ce n’est pas l’eau à 19°C du lac du Domaine de Bordeblanque à Saint-Jory, qui va le décourager, ni même le crachin qui tombe sans discontinuer en ce début d’après-midi. Il en faut beaucoup plus pour que Tony Moggio renonce. Depuis qu’il s’est mis en tête de traverser le golfe de Saint-Tropez à la nage, l’ex-rugbyman tétraplégique ne lésine pas par sur les entraînements. Vêtu d’une combinaison de plongée, allongé sur son embarcation flottante – le Sofao –, cet après-midi, il effectue sa première immersion en milieu naturel, «à reculons», à la seule la force de ses biceps et de ses épaules qui le propulsent vers l’arrière.

Tony Moggio s’entraîne donc en vue de son prochain défi : traverser le golfe de Saint-Tropez, soit une distance de 4km à parcourir, aller-retour. «Nager, c’est une sensation agréable car je ne sens pas le poids du handicap. Dans l’eau, j’ai un sentiment de liberté», annonce-t-il. Jusque-là, Tony Moggio nageait dans la piscine de Saint-Alban, «je parviens à parcourir 1,7 km en 50 minutes, une belle performance sachant que mon souffle est diminué de 50%», ajoute-t-il.

Tony Moggio est privé de l’usage de son corps depuis ce maudit match de rugby du 7 février 2010. «Ce jour-là, j’ai tout perdu, raconte-t-il. Au cours de la cinquième mêlée, ma tête est restée dans l’axe, mon corps est parti à droite, j’ai eu une section complète de la moelle épinière. J’avais 24 ans. Ce jour-là, j’aurai dû mourir. Quand je me vois aujourd’hui, je me dis que j’ai beaucoup de chance d’être sur ce fauteuil.»

Une force de la nature

Tony Moggio est une force de la nature qui déborde de sympathie et d’optimisme. Jamais vous ne l’entendrez se plaindre. Au contraire, il a un effet revigorant sur son entourage en raison de la force de son mental. D’ailleurs, par son courage, Tony est perçu par certain comme un messager. «Je fais cela aussi parce que j’ai envie que d’autres personnes en situation de handicap aient envie de s’épanouir, de kiffer leur vie pour ne pas sombrer dans la détresse.»

Aujourd’hui, 8 ans après son terrible accident, Tony Moggio a l’impression de se créer une nouvelle identité sportive à travers ce défi. Dans son aventure, il est secondé par son coach «et grand ami» Christophe Vidoni et deux sauveteurs de la SNSM (société nationale de sauvetage en mer) qui l’encadrent durant toute sa période d’entraînement sur le lac.

Cet après-midi, à Saint-Jory, à peine s’est-il engagé sur l’eau que ses parents et sa femme prennent place sur un pédalo pour l’encourager. Soudée comme un roc autour de lui, sa famille l’aide au quotidien à vivre avec son handicap. Et aujourd’hui, elle est partie prenant dans ce nouveau challenge. «Avec mon épouse, on est bluffé par notre fils, il nous surprend. Tony a toujours été un enfant qui ne pouvait pas rester sans rien faire. Là, il nous a dit : ‘’Je veux faire la traversée ». Il a toujours été actif, on est fier de lui», confie Jean-Claude, son père.

Cet après-midi, Tony Moggio s’entraîne au domaine de Bordeblanque, l’endroit même où il a épousé Marie. Sa femme non plus ne tarit pas d’éloges sur lui et ce nouveau défi qu’il vient de se lancer. «Il n’y a pas un jour où je ne suis pas admirative devant lui. Il a été toujours battant.» Avant comme après son accident. Une leçon, ce Tony.