Rugby : « Il fallait que je me batte ! » Le jour où Tony Moggio, le « talonneur brisé » a été paralysé
« J’avais 24 ans, j’étais dans le feu de l’action. J’avais tout construit et l’accident est venu tout briser », raconte Tony Moggio dans l’intimité de sa maison domotique, dans la campagne haut-garonnaise. Dix ans se sont écoulés depuis son terrible accident, survenu lors d’un match amateur. Il se souvient de chaque instant et n’oubliera jamais : la violence de l’impact dans la mêlée, les craquements au moment où il a la moelle épinière sectionnée, les arrêts cardiaques pendant le transfert vers l’hôpital, la longue rééducation et les innombrables défis qui ont suivi.
« Au moment de l’impact, mon pilier se relève, ce qui déstabilise complètement la mêlée. J’ai la tête qui est restée bloquée dans l’axe, le corps qui est parti à droite, donc je n’avais plus de soutien. Et j’ai entendu trois craquements. J’aurais dû mourir sur le coup », poursuit le « talonneur brisé », nom qu’il a donné à l’un de ses livres. « J’avais l’impression, c’est bizarre, de m’enfoncer dans le sol, comme s’il n’y avait aucune limite qui me retenait, parce que je n’avais plus de sensibilité. Je disais ‘Baissez-moi les jambes, baissez-moi les jambes !’ On m’a relevé légèrement et on m’a dit : ‘Regarde, tes jambes, elles sont au sol.’ Et là, j’ai compris que ça allait être grave… Cette fois, l’arnica ou le plâtre ne suffiraient pas. »
« Il y a des choses qui ne reviendront jamais »
Paralysé jusqu’au cou, il ne peut que cligner des yeux. Plus tard, il retrouvera un peu de motricité au-dessus du thorax. Tétraplégique, il se déplace en fauteuil roulant. « C’est pas évident, à 24 ans, de retrouver la force, et le mental surtout, pour tout recommencer à zéro, même un permis de conduire. Il fallait tout réapprendre. Et même en réapprenant, comme un enfant peut le faire, il y a des choses qui ne reviendront plus jamais », nous confie-t-il.
Face à cette épreuve, Tony Moggio décide de se battre. Il écrit des livres, anime des conférences, rencontre du monde. « Il fallait à tout prix que je retrouve ma dignité. Je voulais éviter que les gens me voient délabré, sur un fauteuil. C’ était la condition que je m’étais donnée pour ne pas mettre fin à mes jours. » Puis vient l’envie de renouer avec le sport, pour cet ancien rugbyman, qui a aussi été judoka. Un jour, en vacances, coincé dans les embouteillages à Saint-Tropez, il emprunte un bateau pour traverser le golfe. C’est à ce moment-là que naît l’idée de traverser ce golfe à la nage. S’ensuivront des entraînements intensifs (en piscine et en lac, avec des coachs) pendant un an et demi, jusqu’à ce jour de juillet 2019, où il parvient à relever le défi, à la force de ses épaules, pendant plus de quatre heures.
« C’était juste énorme !, se rappelle-t-il, tout sourire. J’avais l’impression de marcher, tellement j’étais heureux. Je m’en fichais de ne plus marcher, même. On ne connaissait pas d’autre personne tétraplégique qui fait des traversées en pleine mer. Du coup je suis content d’avoir pu montrer le chemin », conclut-il.
Élu « Toulousain de l’année » par La Dépêche du Midi en 2019, papa d’un petit Gianni âgé de bientôt 5 mois, Tony Moggio a encore beaucoup de projets en tête. Parmi eux, un nouveau livre et un défi sportif encore plus fou que la traversée du golfe de Saint-Tropez. Exemplaire de résilience, il croit fermement que « quand on veut, on peut » et anime une communauté, sur les réseaux sociaux, réunie autour des mêmes valeurs humaines et sportives.