[Rugby Amateur] J’ai rapidement admis que je ne remarcherai plus
Tony Moggio : « J’ai rapidement admis que je ne remarcherai plus »
7 Février 2010, le talonneur de Castelginest, Tony Moggio, reste au sol après une entrée en mêlée. Il ne se relèvera plus. Tétraplégique, il a fait preuve d’un énorme mental pour se reconstruire. L’accident, la rééducation, le quotidien, les proches, et l’avenir, tout cela, il voulait le raconter dans un livre, qui verra le jour en octobre prochain. L’occasion pour nous d’échanger avec Tony, cinq ans jour pour jour après ce terrible accident. Le jeune homme parle sans retenue, avec justesse, et démontre une grande force de caractère. (par Jonah Lomu)
Tony, pourquoi ce livre tout d’abord ?
Pour raconter mon histoire, mon accident, pour montrer qu’il y a une suite, que la vie continue, que rien n’est foutu. Pour parler de ce que la grande famille du rugby signifie vraiment, le soutien dont j’ai fait l’objet, encore aujourd’hui. On ne s’enrichit pas avec un livre, et ce n’est pas le but, l’idée première est de laisser une trace, qu’il y ait un impact auprès des personnes qui sont blessées.
Justement, peut-on revenir sur ce 7 février 2010 ?
Bien sûr, j’en parle naturellement aujourd’hui, c’est nécessaire. Lors d’une entrée en mêlée, j’ai eu une section complète de moelle, et suis devenu tétraplégique, paralysé des quatre membres.
Tu as toujours fait preuve d’un gros mental, tout de suite après l’accident…
J’ai rapidement fait le deuil de mon accident, pour tout dire. J’ai admis rapidement que je ne remarcherai plus, ce qui m’a aidé dans ma rééducation. Car ceux qui espèrent trop, et ne voient pas de progrès notables, perdent la motivation, l’envie, et n’ont plus le moral nécessaire. Si je m’étais mis en tête de remarcher un jour, je n’aurais pas fait tant de progrès. Aussi, quand j’ai pu faire des mouvements d’épaules, de bras, c’était un pas important pour moi. On est tous différents face à ce genre d’accident, il y a différents niveaux de paralysie. Me concernant, à force de travail, j’ai des muscles du bras qui répondent encore. Mais j’ai surtout eu la chance d’être très bien entouré par ma fiancée, ma famille, des proches.
Comment se passe cette rééducation concrètement ?
J’ai été dans un centre adapté, et fait la rencontre d’ergothérapeute, un métier peu connu, mais tellement utile, fondamental. Ces personnes aident les handicapés à retrouver une certaine autonomie, à la faveur d’exercices adaptés. Ils inventent des systèmes pour écrire, créent une cuillère spéciale, comme ça été le cas pour moi. Grâce à eux, j’ai « récupéré ». J’arrive même à conduire…
Comment ça ?
J’ai un véhicule adapté bien sûr, avec une porte latérale qui s’ouvre automatiquement et qui fait descendre une rampe. Je peux m’installer au volant, et à l’aide de fourches, je peux tenir le volant, et avec une autre fourche, je peux accélérer ou freiner. J’ai repassé un permis exprès.
Tu suis toujours le rugby ?
Oui, je parviens à faire abstraction de ce qui m’est arrivé pour aimer autant ce sport. Au début, quand je voyais des entrées en mêlée, je détournais mon regard, je ne le cache pas, mais ça va mieux. Je vais voir mon club aussi, pas aussi souvent que je le voudrais, mais j’y passe de temps en temps. Il y reste un noyau dur. J’aimerai toujours le rugby.
Tu parlais de la grande famille du rugby, comment se traduit son soutien ?
Castelginest, tout d’abord, qui a beaucoup fait pour moi, par des actions concrètes, vente de maillots, t-shirts,… Ensuite il y a la fondation Albert Ferrasse, qui aide les accidentés, par un suivi psychologique. Cette fondation est financée par des manifestations, des récoltes de dons. Ce qui permet d’acheter un fauteuil, et de continuer à aider les anciens blessés comme les plus récents. J’en profite ici pour remercier tous les clubs du rugby, en plus de Castelginest, tous les comités territoriaux et départementaux, l’Association Groupormo à Castanet, qui suit les grands blessés du rugby , Media pitchounes, la Fondation Albert Ferrasse, Rugby Espoir Solidarité, la Mairie de Castelginest, de Pechbonnieu, et de Juzet d’Izaut, le village d’enfance de mes parents. J’en oublie certainement, mais merci à celles et ceux qui m’ont aidé.
Pour terminer et revenir sur le livre, que peut-on en dire à ce jour ?
Les Editions Privat vont assurer la sortie du livre, au national, c’était nécessaire pour continuer ce projet, et je les en remercie aussi. La sortie devrait avoir lieu en octobre prochain, avec le soutien de la FFR normalement. J’en saurai un peu plus dans quelques semaines. On aura l’occasion d’en reparler d’ici là.