l’interview du dimanche

Sa famille et son amie l'encouragent tous les jours depuis deux mois.
Sa famille et son amie l’encouragent tous les jours depuis deux mois.

Sa blessure a ému le monde du rugby. Talonneur de Castelginest, Tony Moggio, 24 ans, est paralysé depuis un match le 7 février dernier. Mais il fait des progrès incroyables. Entretien.

Comment allez-vous ?

J’ai la pêche. Les jambes ne bougent pas, mais je progresse de jour en jour. Je remue les bras, je lève mes poignets et mes coudes. J’ai perdu 18 kilos, mais j’ai récupéré des muscles. Je fais cinq heures de kiné par jour, y compris tout seul. J’apprends à contrôler mes gestes, y compris les plus anodins : appuyer sur un interrupteur, un bouton d’ascenseur…

Quels progrès en deux mois !

J’ai été réanimé deux fois. Au début, je ne bougeais que les yeux. On m’a fait une trachéotomie. Je ne devais plus jamais bouger mes membres, avoir un appareil respiratoire à vie. Je me suis accroché. C’était l’enfer. Je suis resté un mois au lieu de trois en soins intensifs. Ils m’ont appelé le miraculé. Les médecins ne veulent plus se projeter car je les étonne. Mon prochain objectif, c’est d’enlever la sonde, de récupérer mes doigts, la sensibilité même si ça revient déjà un peu.

Vous n’avez jamais flanché ?

Si, au début. Avec tous ces appareils, ces tuyaux, l’annonce maladroite de mon handicap irréversible, les photos de moi avant… J’ai craqué, pas longtemps.

Pourquoi ?

Je me bats, pour ma famille, qui fait 120 km tous les jours pour venir me voir, mon club, mes amis, tous ces anonymes… Cela me fait avancer.

Votre combat a suscité une solidarité incroyable…

Tout est parti du club, de ces T-shirts «Tous avec Tony», fabriqués par milliers, des sites internet et profil Facebook , des articles de «La Dépêche», de la fondation Albert Ferrasse, du soutien de tout Castelginest. J’ai reçu des centaines de lettres de toute l’Europe, de Nouvelle-Zélande. Je vais parrainer une association de jeunes handicapés qui sautent en parachute. On me donne énormément, mais pour l’instant, je n’ai rien à rendre, si ce n’est montrer que je me bats.

Comment vivez-vous votre handicap ?

Très bien, j’ai assumé. Je ne marcherais sans doute plus, j’en ferais un peu moins qu’avant… Je ne me laisse pas aller. Je remonte le moral à mes compagnons d’infortune. Certains n’acceptent pas l’accident… Nous décidons de notre sort. Je suis si content de respirer, de vivre. Ce n’est que du bonus. Je suis juste différent.

Vous rentrez pour la première fois ce week-end…

Je suis excité de revoir ma ville, des arbres, ma maison, le chien, mes repères. Un bébé qui découvrirait des objets ! Et cet après-midi, je vais voir mes potes jouer !

Vous allez rester un an à la clinique. Et après ?

Je veux vivre quasi normalement : mon travail à la SNCF, avoir un fauteuil, une voiture, une maison adaptées. .. Avoir une famille, comme tout le monde. Je ne m’apitoye pas sur mon sort. Et si je peux, je referai du sport.

Quelle volonté !

Je me fixe un but. Et quand je l’ai atteint, j’en ai un autre.

Vous aimez encore le rugby ?

Au début, avec tous les tuyaux dans la bouche, et le regard fixé vers le plafond, j’avais la haine. Mais ma passion est revenue. Je supporte mon équipe et le Stade. Le sport, ça reste important.

Servat et Brennan sont venus vous voir…

ça m’a fait chaud au cœur. Ils sont si simples, attachants… Le rugby est une grande famille.

Comment voyez-vous votre avenir ?

Je vais profiter de la vie, des gens que j’aime. Même dans mon état, y a tant de choses à faire ! Goûter à chaque moment. Tout est si fragile. Je ne veux plus me prendre la tête pour trois fois rien. J’ai beaucoup mûri, suis devenu plus fort. Je vais me relever.